Pourquoi demander à la RDC ce que l’on ne demande pas au Rwanda par rapport aux FDLR ? Les forces alliées occidentales avaient-elles conclu un accord politique avec l’Allemagne défaite ? Puisque, selon Roussel Fiengold, le Rwanda, qui est une « nation souveraine », ne peut pas dialoguer avec les forces négatives que sont les FDLR, doit-on comprendre que la RDC, que l’on pousse à négocier avec une force négative qu’était le M23, n’est pas une « nation souveraine » ?
A quoi serviraient encore les pourparlers de Kampala maintenant que le M23 est défait et cesse d’exister ? La question mérite bien d’être posée au regard de cet acharnement occidental pour la conclusion d’un accord politique. Bertrand Bisimwa a, dans une déclaration écrite, signifié que son mouvement mettait fin à la rébellion, ce qui signifie que les négociations n’ont plus d’objet. Dans la même déclaration, Bisimwa attendait de Kinshasa un encadrement du reste des éléments du M23 pour leur retour au pays en vue d’une réinsertion sociale. Nulle part dans ce communiqué le président de la branche politique du M23 n’évoquait l’éventualité d’une quelconque réintégration, même partielle, dans l’armée, moins encore une amnistie pour fait de guerre.
On ne négocie pas avec un fantôme !
De son côté, Kinshasa, qui a toujours rejeté ces deux éventualités – amnistie et réintégration – vient de signifier qu’il n’est plus question d’un accord politique à Kampala, mais d’une simple déclaration. Cela n’est que logique au regard de l’évolution de la situation, quitte à ce que les causes profondes ayant conduit au soulèvement de certains compatriotes soient examinées dans un autre cadre. Dans tous les cas, l’on ne saurait même plus évoquer l’appel de l’accord-cadre d’Addis-Abeba ni les dispositions de la résolution 2098 qui avaient été adoptés dans un contexte qui n’est plus celui d’aujourd’hui.
Même à la fin de la deuxième guerre mondiale, les forces alliées n’avaient pas signé d’accord avec les Nazi qui avaient tout simplement abdiqué, exactement comme le M23 aujourd’hui. Ce mouvement étant reconnu comme une force négative, il devrait être traité comme tel suivant les principes et valeurs de la Charte des Nations Unies.
Vouloir à tout prix un accord politique avec le M23 devient aujourd’hui suspect, surtout lorsqu’on perçoit que cet acte conférerait à ce mouvement le statut d’une entité légitime comme ce fut le cas avec les signataires de l’accord de Lusaka ayant conduit au dialogue inter-congolais. Cette démarche aussi est bien différente du contexte et de la situation actuels du M23 qui est, par ailleurs, reconnu comme un cheval de Troie du Rwanda et de l’Ouganda qui ont indirectement agressé la RDC. On ne peut en dire autrement lorsqu’on voit comment ces deux pays ont à nouveau violé les dispositions de l’accord-cadre d’Addis Abeba interdisant tout appui aux rebelles, notamment leur accueil. La vérité est que les rwandais et les ougandais du M23 sont tout simplement rentrés chez-eux.
Pour Washington, la RDC n’est pas une « nation souveraine »
Au regard de cette démonstration, on revient à la question de départ : que cherchent les Occidentaux en voulant à tout prix qu’il y ait un accord politique à Kampala ? Dans une interview sur RFI, Roussell Fiengold, envoyé spécial des Etats-Unis dans la Région des Grands Lacs, tentait de justifier cette exigence en avançant qu’ «un effort militaire plus poussé risque de mettre en péril les pourparlers de Kampala, et par là même la possibilité de voir le M23 reprendre des armes». La suite des événements a démenti l’émissaire américain.
Par contre, toujours dans la même interview, Fiengold, à qui il était posé la question de savoir pourquoi Washington n’insistait pas auprès de Kagamé pour qu’il négocie aussi avec les FDLR, notait, dans un certain embarras, que « le président Kagamé est réticent à s’engager dans ce type de négociations, et je ne crois pas que des pourparlers entre une nation souveraine et un groupe armé, comme s’ils étaient deux parties égales, soit le meilleur moyen de résoudre ce type de problème». Dans ce cas, doit-on conclure que, pour les Etats-Unis, la RDC n’est pas une Nation souveraine et que le M23 était l’égal d’un Etat indépendant et souverain ?
Questions sans réponse
Comment, par ailleurs, justifier la commisération des USA sur la traque, par le Rwanda, des FDLR depuis plus de vingt ans avec de lourdes conséquences sur la RDC, alors qu’il exige de cette dernière un accord politique avec un groupe armé qui a la même identité de « force négative » que les FDLR ?
Enfin, pourquoi les USA tiennent-ils à un accord politique avec le M23 pendant qu’eux traquent à travers la planète les auteurs des attentant de 2001 sur le World Trade Center ? Bref, pourquoi, à des situations identiques, exige-t-on à la RDC une attitude que l’on n’attend pas des autres ?
Ce questionnement sans réponse confirme donc que derrière ces pressions se trame quelque chose de louche, et que l’Occident aurait un agenda plutôt suspect sur la RDC. Il nous revient donc de redoubler de vigilance. Grâce à la cohésion retrouvée, les Congolais doivent comprendre que la paix et l’intégrité territoriale de leur pays ne sera assurée que par eux-mêmes, et que le bonheur ne viendra pas d’ailleurs. Les convoitises ne se sont pas encore tues, et la gestion de la paix ne sera pas chose facile, d’autant plus que, selon les rapports d’enquête de l’ONU, le M23 laisse derrière lui plusieurs autres groupes armés alliés qui pourraient prendre le relai.
Pascal Debré Mpoko