Par Patrick Mbeko
Désigné président de la République par une cour constitutionnelle aux ordres de Joseph Kabila, Félix Tshisekedi suscite mépris et moquerie. Son arrivée au pouvoir ne fait pas l’unanimité, pas plus que les conditions de son élection que d’aucuns qualifient de « nomination ». Son investiture, censée marquer le début d’une nouvelle ère politique en RD Congo, est plutôt perçue comme la continuité de la Kabilie. Elle a été boycottée autant par la population congolaise, qui a préféré vaquer à ses occupations, que par la CENCO et la société civile. Une indifférence qui tranche avec la mobilisation populaire que l’on a pu observer ce samedi, 2 février, à l’appel de la coalition LAMUKA de Martin Fayulu pour protester contre le non-respect du véritable verdict des urnes.
En effet, des centaines de milliers de Congolais sont allés à la rencontre M. Fayulu à Ndjili Sainte-Thérèse. Une véritable démonstration de force, assurent plusieurs observateurs présents à l’événement.
Ce rassemblement a été l’occasion pour la population congolaise de renouveler sa confiance envers le président élu de la RDC, mais aussi et surtout de déverser sa colère sur Félix Tshisekedi, surnommé le «Bizimungu congolais». Signe d’une frustration et d’une colère qui ne sont pas prêtes de s’estomper, la population a demandé à être armée. «Nous voulons des armes pour en finir avec ces gens», a scandé la foule qui s’en est pris violemment à Félix Tshisekedi, le traitant de « traitre », d’« idiot de Kabila»… L’on a pu aussi malheureusement observer ici et là des propos anti-Lubas, en référence à l’origine ethnique de Tshisekedi fils, le premier président nommé de l’histoire du monde moderne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la rupture entre le peuple congolais et Félix Tshisekedi est totale et consommée. Le leader de l’UDPS est aujourd’hui un homme seul. Ses seuls soutiens, les quelques membres de sa région, pour ne pas dire de sa tribu, et les membres de l’UNC de Vital Kamerhe, son allié au sein de CACH.
À Kingakati, «fief» de Joseph kabila, on se frotte les mains. Car en faisant de Félix Tshisekedi son successeur contre la volonté des Congolais qui ont plébiscité Fayulu, Kabila a fait d’une pierre deux coups : s’assurer la continuité de son système tout en isolant Félix de la population congolaise. Mission réussie.
C’est la Kabilie qui a organisé toutes les fuites concernant les conciliabules entre le régime et l’UDPS. C’est elle qui a fuité l’information sur la rencontre d’Ibiza et de Monaco; c’est encore elle qui a fuité l’information sur le faux diplôme de Félix après avoir mené une enquête en Belgique; et c’est toujours elle qui a fuité l’accord secret portant sur l’«élection-nomination» de Félix par Joseph Kabila. En manœuvrant ainsi, Kingakati a réussi à discréditer l’UDPS et son leader aux yeux de l’opinion nationale et internationale. De sorte que Félix Tshisekedi, rejeté de toutes parts, n’ait d’autre choix que de s’en remettre à celui qui l’a fait roi : Joseph Kabila.
Aujourd’hui, Tshisekedi fils est un homme seul. « Il sait qu’il ne peut pas faire n’importe quoi », nous dit un haut cadre de la Kabilie au lendemain de son investiture. Contrairement à ce que laissent entendre certains membres de son entourage, sa présidence dépend entièrement du bon vouloir de Joseph Kabila. Un Kabila qui, à la différence des Congolais, est loin d’être amnésique. Il sait pertinemment bien que Félix Tshisekedi ne l’aime pas; il sait aussi que le président de l’UDPS, entouré du rusé Vital Kamerhe, est un ami de Moise Katumbi, son meilleur ennemi. Il n’a pas non plus oublié les propos discourtois que Félix et les siens ont tenus à son égard.
Oui. Joseph Kabila n’est pas amnésique, et ce ne sont pas les paroles « mielleuses» des Tshisekedistes et des cadres de l’UDPS qui vont lui faire oublier qu’ils restent tous, à ses yeux, ses adversaires, pour ne pas dire ses ennemis.
Si Félix Tshisekedi et son dircab Vital Kamerhe sont des opportunistes qui rusent de temps à autre pour atteindre leurs objectifs politiques, Joseph Kabila, lui, a la ruse dans le sang. C’est sa nature. S’ils espèrent donc le « dribbler » comme on dit au Congo, ils se trompent.
Après 18 ans à la tête de la RDC, Joseph Kabila se considère toujours en terrain hostile. D’où sa propension à se méfier aussi bien de ses collaborateurs congolais que des opposants, qu’il utilise et manipule à sa guise uniquement pour pérenniser son pouvoir et tout le système qui le sous-tend.
Avec un bilan accablant en matière de violations des droits de l’homme, Joseph Kabila a toutes les raisons du monde d’assurer ses arrières pour ne pas se retrouver un jour devant la CPI ou la justice congolaise. Pour cela, il va veiller à ce que Félix Tshisekedi ne perturbe pas son « assurance-impunité ». Le nouveau président nommé est un homme encerclé : sa sécurité est assurée par des membres de la Garde républicaine aux ordres de Kabila; son nouveau conseiller en matière de sécurité n’est autre que l’un des proches collaborateurs du même Kabila; et c’est sans oublier que les services de sécurité sont totalement contrôlés et noyautés par les hommes de l’ancien président. Avec la désignation du prochain premier ministre par le FCC (plateforme politique au service de la Kabilie), la boucle sera certainement bouclée. Selon un homme du sérail, toutes les nominations à des postes stratégiques devront obtenir l’aval de Kingakati.
De fait, Félix Tshisekedi est au pouvoir sans avoir le pouvoir. Pour occulter cet état de fait et donner à la population l’impression que le nouveau consul de l’occupation a l’effectivité du pouvoir, Joseph Kabila le laissera mener des opérations coup de poing contre certains membres de la Kabilie, tout en s’assurant qu’il ne franchisse pas la ligne rouge. Il en sera ainsi jusqu’au jour où le raïs décidera de se débarrasser définitivement de son nouveau nègre de Kabeya Kamwanga.
Ce jour-là, Joseph Kabila sera au moins sûr d’une chose : que personne ne viendra au secours de Fatshi. Surtout pas le peuple congolais qu’il a trahi. Le linge sale des voyous. BAKOMESANA na JOKA dit. Peuple te oh…