Par Philibert Muzima, Conseiller bénévole d’un jour de H.E Paul Kagame
Président de la République du Rwanda.
Monsieur Paul Kagame,
Président du Rwanda
C’est avec une grande tristesse que j’ai appris hier le décès de Nelson Mandela. Tout comme le monde entier, son décès est pour moi une occasion de méditer sur la vie et l’œuvre de l’homme.
Cela me donne également l’occasion de penser à vous, Monsieur le Président. De penser à votre parcours politique depuis que j’ai entendu parler de vous pour la première fois jusqu’aujourd’hui, mais surtout de penser à vous dans les jours à venir.
J’ai entendu parler de vous pour la première fois un peu après la libération historique de Nelson Mandela . Sa marche vers la liberté le 11 février 1990 me rappelle que vous alliez commencer, huit mois plus tard, la guerre de libération.
En 1994 vous mènerez l’armée du FPR-Inkotanyi que vous commandiez à une victoire militaire dans un contexte de génocide. La même année, Neslon Mandela accédait à la magistrature suprême du pays arc-en-ciel obtenue après une victoire électorale de l’ANC dans un contexte de liesse.
Nelson Mandela terminé sa vie comme un grand et crée l’unanimité autours de son parcours. Le plus grand succès de sa vie aura été le bras tendu à ses ennemis politiques. On l’entendra dès sa sortie de prison, plus précisément le 26 février 1990, conjurer les Umkhonto we Sizwe et les Inkatha d’enterrer la hache de guerre. L’ordre était on ne peut plus formel: « Jetez dans la mer vos fusils, vos couteaux et vos machettes ». Puis à l’aube de sa présidence, on le verra porter le maillot de François Piennar, capitaine des « Springbokke” ou “Amabokoboko”, l’équipe sud-africaine de rugby, alors exclusivement blanche!
Avant d’aller aux obsèques
Aujourd’hui que le monde pleure le décès du grand homme qu’est Nelson, aujourd’hui que les leaders du monde annulent tout de leur calendrier pour ne pas briller par leurs absence à ses obsèques, je me propose votre conseiller bénévole d’un jour, Monsieur le Président.
Veillez donc accepter mes services qui se résument en cinq grands gestes que je vous recommande fortement de poser avant d’aller aux obsèques de Madiba. Cinq gestes d’une grandeur à hauteur d’homme :
1) Libère tous les prisonniers politiques qui croupissent derrière les barreaux au Rwanda. Tu auras ainsi conquis ta haine contre tes ennemis politiques tels Madiba serrant la main de Peter Botha ou lorsqu’il enfila le maillot de François Piennar des Springbokke avant de lui remettre le trophée Webb Ellis.
2) Rappelle tes sbires d’Afrique du Sud où ils traquent implacablement ton frère devenu aujourd’hui ennemi à abattre. Qu’ils ne souillent pas de sang le pays de Nelson.
3) Fais la paix avec tes amis d’hier devenus aujourd’hui des ennemis à abattre. Ils ne sont que des adversaires politiques non des ennemis.
4) Fais de ton parti, le FPR- ex Inkotanyi, à l’instar de l’ANC-ex Umkhonto we Sizwe de Nelson, un parti qu’un membre peut quitter sans devoir s’exiler loin du pays ou pire encore, aussi loin que le cimetière. Sais-tu par exemple que Mangosuthu Buthelezi fut membre de l’ANC mais n’est pas mort lorsqu’il fonda, en 1975 l’Inkhata Freedom Party? N’est-il pas Il est membre de l’assemblée nationale du parlement sud-africain depuis les éléction sud’africaines de 1994?
Tu n’en reviens pas, Monsieur le Président, mais en 2012, le bouillant Julius Malema, leader des jeunes de l’ANC a été exclu du parti et non du pays ni de la vie? Savez-vous qu’il a déjà lancé son propre parti et que Inch’Allah, il n’en mourra pas?
Imagine que Monseigneur Desmond Tutu, le 10 mai 2013, déclarait ceci dans un journal sud-africain : “J’ai voté toutes ces années pour l’ANC, mais malheureusement je ne pourrais plus voter pour eux vu la manière dont les choses ont tourné »!
Et croyez-le, Monsieur le Président, Monseigneur Tutu est encore en vie! Il mène une vie tranquille chez lui, dans son pays. Il n’est même pas en résidence surveillée. Pas mal hein? Et si c’était par exemple un Tito Rutaremara quidéclarait de tel propos sur le FPR-Inkotanyi; aurait-il encore sa place au Rwanda? Penses-y Monsieur le président et démocratise ton parti et ton pays. Tu auras ainsi ajouté une ressemblance de taille entre vous et Nelson.
On se rappelle tous quel fut notre étonnement lorsque Nelson refusa de briguer un second mandat et présentant son dauphin et le prépara pour sa succession à la tête du patri et du pays. Tiens, c’est qui ton dauphin Monsieur le Président?
5) Il est grand temps que tu présentes aux militants et au peuple ton successeur au lieu de créer un vide autour de toi.
En refusant de tripoter la constitution pour pouvoir briguer un nième mandat, tu auras cette fois-là, ressemblé non seulement encore plus à Nelson, mais aussi à Julius et a un certain Léopold. Tu auras également, du même coup brouillé tout ce qui pourrait te donner les traits d’un certain Robert ou un certain Abdoulaye ou même un certain Yoweri.
Au nom de Nelson, pose ces grands gestes suggérés par ton conseiller bénévole d’un jour puis, tête haute, vas t’incliner devant l’homme à qui tu pourras ainsi facilement ressembler.
Si loin si proche
Beaucoup vous séparent de Nelson certes, mais beaucoup de rapprochent aussi. Vous êtes donc si loin si proche l’un de l’autre.
Vous êtes tous les deux des freedom fighters. Il a connu près de 30 ans de prison et toi, plus de 30 ans d’exil. Et Dieu sait que la prison et l’exil sont si proches!
Nelson a créé l’unanimité sur sa qualité de démocrate mais toi, tu es controversé. Il est adulé au niveau domestique et à l’international, tu es plus craint qu’adoré sur les mêmes scènes. Je limite la comparaison à ces seuls aspects puisque vous êtes sans ignorer qu’il y a pile et face.
Le décès de Nelson survient au début de la grand-messe « Inama y’umushyikirano. » Dommage qu’il en soit ainsi sinon, j’aurais dû remuer ciel et terre pour venir y assister, afin de te conseiller, de visu, de poser de grands gestes susmentionnés avant de te rendre en Afrique du Sud pour accompagner Nelson à son dernier repos.
Maintenant qu’il est trop tard pour moi d’être des vôtres dans cette kermesse, je me contente d’une voie épistolaire pour porter haut et fort ma voix et préparer ta valise pour ton prochain voyage au pays de Nelson.
La paix des braves
On appelle la « Paix des Braves » une proposition ou des accords de paix à des conditions honorables en considération de la bravoure des belligérants.
Monsieur le Président je rêve de te voir signer un décret demandant au parquet de retirer toutes les accusations portées contre Victoire, d’amnistier et accorder une totale absolution à Deo et à Bernard avant de les nommer qui au sénat, qui au parlement où les débats d’idées doivent avoir leur place.
Monsieur le Président, la place des hommes et des femmes politiques n’est pas en prison mais au parlement. Je brûle d’envie te voir prendre ton avion présidentiel pour aller rapatrier en personne le Roi Kigeri Ndahindurwa de son exil et lui confier les pouvoirs symboliques de gardiens de la tradition et de l’unité du pays.
Pourquoi ne passerais-tu pas le flambeau, après ton second mandat, à Nyamwasa comme Nelson le passa à Thabo ou ce dernier à Jacob? Génial non? Difficile, voire même impossible, dis-tu? Pas du tout Monsieur le Président!
Il suffit de remettre les pendules à l’heure et signer une paix des braves, cette entente qui n’a que des vainqueurs et des gagnants car personne n’est ni vaincu ni perdant.
« Jetez vos armes à la mer » comme dirait Nelson, prenez vos violons et accordez-les au même diapason. Remettez vos pendules à l’heure, tablez plutôt sur ce qui vous uni au lieu de focuser sur ce qui ne devrait même pas vous espérer et le tour sera joué.
Mais si tu veux que le prochain locataire du Village Urugwiro soit un civil, regarde donc du côté de la BAD. Tu y dénicheras un candidat qui pourra faire l’unanimité tant au sein de l’establishment du parti que de la communauté internationale.
Pour meubler ta retraite bien méritée après 24 ans de services à la nation, tu peux garder ton poste de chairman du parti et ainsi tirer les ficelles d’aussi peu loin que le bord du lac Muhazi.
Espérant que votre excellence daignera réserver une suite favorable à la présente, veillez agréer, Monsieur le président, l’assurance de mes sentiments patriotiques.
Merry Christmas.