Mamadou NDALA et Joseph KABILA
L’ombre d’une opération conjointe pour la traque des ADF-Nalu se profile à l’horizon, à l’issue de la réunion tenue à Beni entre les chefs d’état major des armées congolaise et ougandaise. Les expériences malheureuses du passé avec la RDF (armée rwandaise) et la même UPDF (l’armée ougandaise) ont laissé un arrière goût qui exigence plus de prudence de la part de Kinshasa. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit le sage. Vaut mieux privilégier l’option d’une opération conjointe FARDC-Monusco que se jeter dans la gueule du loup. Pourquoi les congolais continuent à manger à une même table avec le diable ? Nous gagnons les combats mais pourquoi s’associer avec ceux qui se comportent en filou ? Nos autorités sont-elles envoutées ?
Les généraux Didier Etumba des FARDC et Katumba Wamala des « UPDF » ont échangé lundi 13 janvier 2013 à Beni sur la possibilité d’une opération conjointe contre les rebelles ADF-Nalu. Faisant le compte-rendu de la rencontre, le général ougandais : « Je suis venu concrétiser les pourparlers entamés à Goma sur la traque des ADF Nalu, jusqu’à leur réédition totale parce que cette force négative insécurise aussi bien les Congolais que les Ougandais ».
L’intention est louable d’échanger avec un pays voisin concerné directement par les activités subversives et terroristes d’un groupe armé, en l’occurrence ADF-Nalu. Mais là où le bât blesse, c’est lorsque ce même voisin, l’Ouganda, s’était illustré dans un passé récent par son soutien inconditionnel à un groupe armé classé également force négative et qui a endeuillé la RDC. Il s’agit du M23. Bien plus, le même voisin est accusé par des experts onusiens d’avoir participé aux multiples agressions de la RDC. Des preuves documentées contenues dans leurs rapports font foi.
Déjà, en novembre 2013, une tripartite avait mis autour d’une table la RDC – l’Ouganda et la Monusco en vue de la planification de la traque des ADF-Nalu. Lors de la réunion tenue à Goma, le gouverneur julien Paluku avait cerné les limites de la participation ougandaise. « La traque des rebelles de l’ADF-NALU va être l’affaire des seules Forces armées de la République démocratique du Congo », avait martelé le gouverneur du Nord-Kivu au nom de la RDC et son gouvernement.
Plus explicite, Julien Paluku avait dit : « les assises de Goma ont pour unique objectif de prévenir des dégâts collatéraux qui affecteraient l’Ouganda ». Selon des sources crédibles, des unités lourdement armées de l’UPDF sont déployées le long de la frontière commune sur le versant ougandais. Les chars de combat sont visibles ainsi que des militaires ougandais lourdement armés. Une source des FARDC a confié sous le couvert de l’anonymat que les opérations contre les ADF-Nalu ne tarderont plus. « N’eut été la mort du colonel Mamadou Ndala, c’est le 05 janvier qu’on aurait enclenché les hostilités pour déloger définitivement les ADF-Nalu », déclare cet officier.
La position officielle de la RDC est le résultat d’une expérience au goût aigre-doux imposée par des voisins déterminés à annexer des pans entiers du territoire congolais. Aussi, des surprises désagréables sont redoutées dans l’éventualité d’une traque conjointe FARDC-UPDF contre les ADF-Nalu.
Cette crainte est d’autant plus légitime que par le passé, le retour complet des troupes rwandaises et ougandaises n’était pas chose acquise des années après les opérations conjointes. C’est avec désinvolture, par exemple, que Kigali avait annoncé tambours battants, sous le feu des caméras le retour des forces spéciales rwandaises ayant œuvré lors d’une opération conjointe. Une manœuvre visant à discréditer les autorités congolaises face à une opinion publique hostile à toute compromission avec les voisins ougandais et rwandais.
Dans les entrefaites, le chef d’état major de l’armée ougandaise a tenté de rassurer la partie congolaise sur sa sincérité : « Il est inconcevable que l’Ouganda soutienne les ADF-Nalu parce qu’ils causent l’insécurité parmi nos deux peuples ». Les ADF-Nalu sont à la base de plusieurs cas d’enlèvements, de viols, de pillages des ressources naturelles voire des bétails et produits de champs des paisibles villageois.
Une préférence pour la Monusco
S’il faut s’allier à des partenaires pour opérer la traque des ADF-Nalu, la préférence pour la brigade spéciale d’intervention de la Monusco est soutenue par la majorité des Congolais. L’armée ougandaise a démontré son penchant pour les terres congolaises. Les richesses du sol et du sous-sol font l’affaire des corps expéditionnaires ougandais et rwandais en RDC. Souvent, leur retour est la cause d’autres guerres plus meurtrières et pernicieuses que les précédentes.
Il est totalement exclu l’éventualité que le loup rentre, officiellement, dans la bergerie en vue de mener des opérations contre des rebelles ADF-Nalu. Malgré toutes les bonnes dispositions affichées des autorités ougandaises, une fin de non recevoir est l’unique réponse à cette offre perverse et toxique de collaboration.
D’ailleurs, une telle option n’est envisageable lorsque l’on sait que la Monusco apporte depuis un temps un soutien fort appréciable aux FARDC. Les autorités civiles et militaires ne s’empêchent pas de louer cette nouvelle approche de la mission onusienne après l’arrivée de Martin Kobler. La rencontre protocolaire de Beni constitue une preuve de transparence et de collaboration offerte par la RDC. Mais elle ne devrait constituer une opportunité pour offrir le flanc à l’ennemi.
En fait, la rencontre de Beni ne doit pas aller au-delà et s’étendre dans la zone opérationnelle. Kinshasa n’a pas encore obtenu des garanties sur le retour des militaires congolais ex-M23 accueillis en héros sur le territoire ougandais. Ce qui aurait aidé à couper toute base arrière aux ADF-Nalu sur le territoire ougandais. A ce jour, il n’est pas exclu que les ex-M23 se remettent en selles et reprennent du service sur le territoire congolais.
Kinshasa devrait s’inspirer de cette sagesse universelle qui dit que « chat échaudé craint l’eau froide ». Il s’agit d’une question de souveraineté. La confiance n’exclut pas la prudence. Et dans le cas d’espèce, Kampala et Kigali ont, à maintes reprises, fait étalage de leur mauvaise foi dans les relations de bon voisinage avec Kinshasa, lequel s’en sort toujours avec la gratification de dindon de la farce.
Quant au reste, cela relève de la responsabilité des Congolais, qui fiers et déterminés à sauvegarder l’intégrité de leur territoire national ne se laisseront plus berner par des voisins qui appâtent la RDC par des cadeaux empoisonnés.
[avec lePotentiel]
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