Il n’a pas eu besoin d’une assemblée pieuse ni d’une foule de béni-oui-oui, il ne faisait l’apologie d’aucun crime et ne célébrait aucun forfait. Il n’a pas non plus eu besoin de recourir à ces versets prisés par les padres d’Afandie, mais le président de la Rwandan Dream Initiative a juste remis les pendules à l’heure. Il s’est réapproprié certaines vérités longtemps détournées par les Gentiles qui gravitent autour du général Kagame. Rukokoma a bien mis les points sur les i. Sur les ondes de la Voice of America, Faustin Rukokoma a sorti le grand cru. Les contradicteurs que lui avaient trouvé son interviewer de la VOA en ont pris plein la tête qu’ils devront tourner sept fois leurs langues avant de s’en prendre prochainement avec légèreté à un chevronné de la taille de Rukokoma. Oui, sur ce coup-là, Rukokoma pouvait très bien revendiquer sa marque de fabrique : iyo mu kirere.
Deux militants (travestis maladroitement en journalistes) ayant bu du café afandiste dans les bistrots du Front patriotique de Kagame ont cru donner la réplique au vieux loup. Mal leur en a pris car ils ont eu droit à une vraie remise en place et nous, auditeurs, à un véritable régal. Un grand moment de radio comme diraient les amateurs de néologismes. En trois stances donc, il a fermement rappelé à ces apprentis des vérités que la propagande kagamienne a de plus en plus du mal à mettre sous le boisseau. Même le journaliste-hôte n’a trouvé à y redire. Du monopole de la lutte armée que croit détenir le camp Kagame à l’appréciation de la situation socio-économique du pays, en passant par l’insupportable suffisance du leadership actuellement aux commandes à Kigali, Rukokoma a sans nul doute exprimé tout haut ce que beaucoup continuent de penser tout bas.
Lutte armée. Les phrases expliquant la position du président de la RDI étaient d’une limpidité et d’une conviction forçant le respect. « Parfois, ils croient que ce ne sont que des mots en l’air, mais laisses-moi le dire ouvertement : s’il continue à nous refuser un dialogue, nous prendrons les armes ». Ils, bien entendu, ce sont tous ceux, avec Kagame qui inventent mille et un prétextes pour refuser le dialogue avec ceux qui n’épousent pas la vision qu’a le Fpr de la gestion et de l’avenir du pays. Cette audace est méritoire tant Kagame croit que « la mère d’autrui ne peut avoir des garçons ». Le lui dire avec les mots de Rukokoma c’est se positionner nettement et courageusement contre le permanent chantage présidentiel consistant à vanter sa puissance militaire. Il n’a pas le génie de la chose militaire à lui tout seul, a martelé Rukokoma. Et encore.
Pris de court, les pseudo-journalistes de Kigali ont voulu opposer lutte armée et démocratie… C’était sans compter sur la perspicacité de leur contradicteur. « Pourquoi vous croyez-vous plus intelligents que le reste du peuple ? Pourquoi voulez-vous cacher la vérité aux jeunes ? Il vous faut leur rappeler pourquoi Kagame est au pouvoir aujourd’hui ». Donnant une bonne leçon aux deux énergumènes désarçonnés, Rukokoma a d’abord rappelé qu’une mauvaise politique avait, en d’autres temps, servi de base et de motivation à la prise des armes par le Fpr. « Ils n’ont pas pris le pouvoir en récitant le rosaire », a-t-il dit. Pourquoi s’évertuent-ils donc à croire, est-on tenté de conclure, que les mêmes causes (leur exécrable politique) ne produiront pas les mêmes effets (un conflit militaire) ?
La situation actuelle. Du vent ! Du maquillage pour masquer les tares que, chaque jour qui passe, les afande impriment à la société rwandaise. Ils enrichissent un petit pour cent des Rwandais et crient au miracle économique, oubliant cyniquement tous ceux qui ne peuvent pas manger deux fois, ceux qui ne peuvent plus envoyer leur progéniture à l’école ou ceux qui, quand ils le peuvent se retrouvent avec des « têtes » contestablement bien faites, mais assurément mal pleines (ou vice versa) comme récemment exhibées par les prétendantes à la couronne Miss Rwanda. Tout des ornements et autres déguisements pour cacher ce que leurs thuriféraires d’hier sont en train de découvrir aujourd’hui (Lire à ce propos les « dérangeantes » vérités du Review Under the Policy Support Instrument with Rwanda). Là-dessus, nos « amis » journaleux n’ont pipé mot.
Ils deviennent en effet étrangement taciturnes lorsqu’on leur fait remarquer que le fait d’avoir tué, éliminé, exécuté, massacré, étranglé, noyé, assassiné OU emprisonné (seule alternative) tous ceux qui ont osé proposé une autre politique n’augure rien de bon pour ce qu’ils appellent grossièrement réconciliation. Qui vous a dit qu’on attendra indéfiniment que vous éliminiez tout le monde, leur a demandé Rukokoma. A juste titre. A un moment ou à un autre (le plus tôt, le mieux), il faudra en effet que cesse l’arbitraire qui conduit invariablement à l’hécatombe tenant aujourd’hui lieu de bilan au régime afande. Ils se sont tus et ont battu en retraite car ces crimes-là leur ont ôté toute légitimité. Ils ont donc tout intérêt à adopter et garder un profil bas par rapport à la révolte du peuple qui ne saura tarder.
La suffisance. Le point fort de l’intervention de Rukokoma sur les ondes. Pourquoi croyez-vous que le peuple est ignorant ? Pourquoi vous prenez-vous tout le temps comme les seuls intelligents ? La répétition de ces deux questions et surtout le ton agréablement décomplexé (et un brin condescendant) de Rukokoma a fini par mettre K.O. ses interlocuteurs. En y allant aussi vigoureusement, Rukokoma a comblé le déficit rhétorique (du moins a-t-il amorcé le mouvement) qui était jusqu’à présent en faveur de Kagame. C’est un signe. La veille de sa chute (au propre comme au figuré), le général Habyarimana faisait face à un irrespect de quasi toute la classe politique. Sa fonction a été désacralisée, sa personne trainée dans la boue et son nom conspué presque partout dans le pays. Le tour de Kagame est arrivé…
Contrairement donc à l’image qu’il a laissé transparaître tout au long des dernières années, Rukokoma n’a pas (encore) dit son dernier mot. Celui qu’il a eu sur la VOA et qui a cloué le bec aux propagandistes de Kigali est digne. A tout seigneur, tout honneur.
Cecil Kami