Russ FEINGOLD
L’information relative à la redéfinition des frontières africaines n’est pas un canular, encore moins un procès d’intentions contre l’Union africaine. L’envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, Russ Feingold, vient de confirmer dans une interview à RFI que le retour de la paix dans cette région passe inévitablement par la révision des frontières. Un pavé qui prouve à suffisance que la RDC n’est pas encore à l’abri de l’agenda du monde occidental. Le sort du Congo oscille entre l’implosion et la balkanisation.
Il y a désormais une évidence : le programme de redéfinition des frontières africaines existe. Il ne relève nullement de l’utopie. Inspiré par les puissances occidentales – les mêmes qui se sont partagées l’Afrique en 1885 à Berlin – et endossé par l’Union africaine, ce programme met en danger tout le continent noir.
Et pourtant à la création de l’Organisation de l’unité africaine, en 1963, les pays fondateurs avaient juré de ne s’en tenir qu’aux frontières. Autrement dit, ils excluaient toute forme de révision en vue d’éviter et d’anticiper sur des conflits frontaliers.
50 ans après, l’UA, héritière de l’OUA, fait fi du passé et prend la liberté d’agiter l’épouvantail d’une révision des frontières de ses membres. Pour quelle raison ? Sans doute, qu’elle s’est laissée embarquer dans un projet qui sert des intérêts étrangers.
Le pavé de Feingold
Pour avoir dénoncé cet embrigadement de l’UA par des puissances occidentales, notre Rédaction a fait l’objet d’attaques et reproches en tous genres. Or, nos appréhensions viennent d’être justifiées par la dernière sortie médiatique de l’envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, M. Russ Feingold. Dans une interview à Radio France internationale (RFI), ce dernier fait de la révision des frontières de l’Afrique, et plus particulièrement de la République démocratique du Congo, un passage obligé pour le retour d’une paix durable dans les Grands Lacs.
Ce n’est pas gratuit. C’est une preuve de la détermination de la communauté internationale de faire accréditer, au bout du compte, l’idée – depuis longtemps caressée par cette dernière – de la révision des frontières de la RDC. Et dire que cette déclaration est faite au lendemain du Sommet France-Afrique dit sommet de l’Elysée auquel, l’on n’est pas loin d’une fixation.
En fait, interrogé sur les perspectives de paix dans la région des Grands Lacs, Russ Feingold s’est exprimé en ces termes : «L’accord-cadre d’Addis-Abeba a été signé sous l’égide de l’Union africaine et de l’Onu, en février dernier. Onze pays africains ont signé, mais nous avons besoin d’un dialogue plus large qui, bien sûr, inclurait ce qu’on appelle les pays des Grands Lacs…Toutefois, d’autres pays pourraient être intéressés – comme le Congo-Brazza, la Tanzanie… Ils pourraient aussi participer à ces discussions puisqu’elles devraient inclure – si nous parvenons à lancer cette initiative – des problématiques comme celles des groupes armés, les questions de frontières mais aussi des thématiques qui concernent la région dans son ensemble, comme par exemple la question des opportunités économiques qui pourraient naître non seulement pour l’Est du Congo, mais aussi pour toute la région des Grands Lacs ».
Pas question de tomber dans le piège
Il ne faut pas être devin pour comprendre que les propos de l’envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs procèdent d’un vieux plan, toujours combattu mais qui renait souvent sous des formes diverses.
Bien avant Russ Feingold, d’autres officiels américains ont révélé la thérapie que les grands de ce monde ont décidé d’appliquer pour résoudre – à leur manière d’ailleurs – la crise de la région des Grands Lacs.
Alors, sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, Johnnie Carson, avait indiqué devant The Brookings institution, un think tank américain, que la solution à la crise congolaise passe par la stratégie mise en œuvre au Soudan dans l’ex-Yougoslavie. Quelle est donc cette fameuse stratégie ? Tout le monde la connaît par cœur : la paix en contrepartie du démantèlement. La Yougoslavie a éclaté en plusieurs Républiques tandis que l’Afrique compte depuis un nouveau pays la République du Soudan du Sud.
Voilà la recette magique que Johnnie Carson entendait expérimenter en RDC. Que Russ Feingold revienne à la charge quelques mois plus tard ne peut surprendre que les naïfs. Pour les observateurs avertis, un recoupement est vite fait entre les déclarations faites par divers officiels européens et américains. Mieux, il se dessine en filigrane un fil conducteur pour lequel des chercheurs et penseurs de tout acabit ont été mis à contribution pour faire passer dans l’opinion internationale, à savoir la RDC est trop grande et trop riche pour ses dirigeants et son peuple.
Raison pour laquelle, les tenants de cette thèse ont tenté, dans un premier temps, faire aboutir leur projet par le moyen des guerres récurrentes. Sans succès. Aussi ont-ils changé de tactique en recourant au plan B qui est intitulé Programme frontière de l’Union africaine. Lancé en 2007, ce projet répondrait à ’’la nécessité de revoir les frontières africaines héritées de la colonisation’’. Les concepteurs prétendent que des erreurs ont été commises à Berlin en 1885 et que le moment serait venu de procéder aux correctifs.
Le plan de l’implosion de l’Afrique
Contrairement à ce qui se dit dans les couloirs de l’UA, ce programme vise plutôt l’Afrique utile comme le démontre Anne-Cécile Robert, dans une carte reprise dans un article publié dans le numéro 128 de la revue « Manière de voir » sous le titre : « Des nations africaines aux contours fragiles ».
Dans cette carte (voir encadré), l’analyste présente les territoires africains en implosion, c’est-à-dire des Etats déstabilisés ou déliquescents ayant perdu le contrôle d’une partie de leur territoire (passée aux mains d’une multitude de groupes armés autonomes ou à la solde des pays voisins), insurrections armées, violences politiques, trafics d’êtres humains, d’armes et de drogue. Ces territoires partent de l’Afrique de l’Ouest jusqu’à la Corne de l’Afrique, en balayant une bonne de l’Afrique centrale, presque le tiers de la RDC, notamment la partie Nord-est jusqu’au Graben Albertine. En RDC, ces territoires en implosion incluent les territoires de l’Afrique qui regorge des richesses minières et pétrolières.
C’est dire qu’au-delà du voile diplomatique qui couvre le Programme Frontière de l’UA, l’objectif visé est le contrôle des ressources naturelles des territoires visés, particulièrement la partie Est de la RDC.
En RDC, aucune voix ne s’est levée pour s’insurger contre cette imposture. L’on feint d’ignorer cette réalité en marche depuis 2007. Preuve, s’il en était, d’une complicité à partir de l’intérieur.
La Commission permanente des frontières en RDC, mise en place par ordonnance présidentielle en 2007 est restée aphone sur le sujet. Preuve de l’indifférence de Kinshasa en matière de gestion de ses frontières.
Doit-on oublier que le Rwanda et l’Ouganda tiennent à mettre la main, le premier, sur Goma et Rutshuru, le second sur l’Ituri ? Quant au Burundi, il serait intéressé par la plaine d’Uvira.
L’autre bourde, c’est le différend frontalier avec l’Angola sur le plateau continental. L’affaire a été étouffée dans l’œuf au grand dam de l’opinion publique congolaise.
Il est temps que l’opinion publique soit sensibilisée pour rester vigilante et veiller au grain. Mot d’ordre : dénoncer et barrer la route au programme macabre de l’UA. La RDC n’adhère pas à ce schéma qui crache sur les 6 millions de Congolais.
[lePotentiel]
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