le carnet de Colette Braeckman – les blogs du soir
En déroute. Le mouvement rebelle M23 a finalement été défait militairement par l’armée congolaise, le 5 octobre dernier et cette victoire est considérée comme le plus grand succès militaire enregistré depuis l’indépendance. Elle est le résultat d’une stratégie aux facettes multiples : onze mois de négociations infructueuses dans la capitale ougandaise (aux frais de Kinshasa) ont permis de gagner le temps nécessaire à une action diplomatique intense, aussi bien au Conseil de sécurité que sur la scène africaine, où le président Kabila réussit à convaincre les pays d’Afrique australe de se porter à son secours. C’est ainsi que fut mise sur pied une Brigade africaine d’intervention, associée aux forces de la Monusco (Mission des Nations unies pour le Congo), composée de 3000 hommes originaires du Malawi, d’Afrique du Sud et de Tanzanie et le pilonnage des hélicoptères de combat sud africains s’avéra décisif.
De plus, en grande partie sous l’influence de leurs opinions publiques, les grandes puissances finirent par juger intolérable l’enfer du Kivu et in fine, les Etats Unis et la Grande Bretagne, deux alliés fidèles de Kigali, exercèrent de fortes pressions sur le président Kagame, le dissuadant de se porter au secours des rebelles tutsis. Ces derniers furent laissés seuls face à une armée congolaise profondément réorganisée.
La Belgique, discrète mais efficace, n’a pas été étrangère à la victoire, militaire et diplomatique, de Kinshasa.
En effet, Didier Reynders, lors de son premier voyage au Congo au titre de Ministre des Affaires étrangères, avait délivré un message explosif : au président Kabila mal élu, en quête de légitimité, il avait fait savoir que le général Bosco Ntaganda, qui contrôlait alors le Nord Kivu, devait impérativement être arrêté et livré à la justice internationale, qui l’accusait de crimes de guerre, de massacres, de recrutement d’enfants. Ces déclarations avaient déstabilisé l’équilibre de la terreur que Bosco et les siens faisaient peser sur l’Est du Congo et le général, redoutant d’être isolé et arrêté, relança les hostilités, non sans être bientôt supplanté par son adjoint et rival Sultani Makenga.
Par la suite, alors que se déroulaient les négociations de Kampala, Reynders, mit à nouveau les pieds dans le plat. Il déclara qu’en « réintégrant les rebelles, c’est l’indiscipline elle-même que l’on introduisait dans l’armée » et, traçant une sorte de « ligne rouge », il déconseilla à Kabila d’amnistier une fois encore les rebelles multirécidivistes.
Mal reçus à Kigali, ces propos encouragèrent Kinshasa à la fermeté. En parallèle, la Belgique s’activa dans les coulisses, aux Nations unies, au sein de l’Union européenne, lors des réunions de l’Union africaine, pour encourager les négociations, certes, mais surtout pour tenter de briser le cercle des rébellions à répétition dans l’Est du Congo. Alors que Reynders maniait le bâton, le ministre de la Coopération Jean-Pascal Labille multipliait les voyages, de Kinshasa à Kigali, promettant à chaque fois d’appuyer, par des projets concrets, une coopération régionale bénéfique tant au Congo qu’à ses voisins, comme par exemple, un barrage hydro électrique sur la rivière Ruzizi. Bref, la carotte…
Mais l’aspect sans doute le plus apprécié du soutien belge au Congo fut d’ordre militaire.
André Flahaut, lorsqu’il était ministre de la Défense, avait été le premier à lancer des programmes de formation de troupes d’élite et cette politique fut poursuivie par Pieter De Crem. De l’avis général, les deux bataillons, le 321e et le 322e, formés à Kindu dans le Maniéma par des instructeurs belges, jouèrent un rôle décisif.
Non seulement, aux côtés d’un bataillon formé à Kisangani par les Américains, ils remportèrent de réels succès militaires mais surtout, ils se distinguèrent par leur comportement correct à l’égard des populations. En amont, les instructeurs belges avaient veillé à ce que l’intendance suive- soldes payées et rations alimentaires suffisantes- évitant ainsi que les troupes cèdent à l’éternelle tentation de ponctionner les civils. En outre, il semble que du matériel de transmission fourni par les Belges a permis aux officiers congolais de couper les téléphones portables, systématiquement écoutés depuis le pays voisin…
Début novembre, alors que les derniers bastions du M23 résistaient encore, une rumeur proclama l’arrivée imminente de 140 paracommandos venus de Tielen, présentés comme des « forces spéciales » belges ! Cet effet d’annonce aurait contribué au découragement du dernier carré des rebelles.
En réalité, les paras belges, 300 hommes au total, n’ont jamais quitté la base de Kindu dans le Maniéma, bien éloignée du front. Mais leur présence renforcée s’explique par de grandes manœuvres menées avec les troupes congolaises afin de donner aux hommes venus du Limbourg l’expérience d’opérations en zone tropicale.
Malgré sa discrétion officielle, la Belgique n’a pas tardé à venir partager les fruits de la victoire: les ministres se succèdent à Kinshasa (Maggy de Block, Pieter De Crem, Brigitte Grauwels et bientôt Jean-Pascal Labille puis Didier Reynders), les chambres de commerce de nos trois régions organisent des voyages de prospection, des collaborations s’ébauchent, qu’il s’agisse du dragage du port de Matadi, de l’étude de faisabilité du futur port de Banane, de la mise en œuvre d’un tramway urbain à Kinshasa, sans oublier les ambitions de SN Brussels Airlines…
Cependant, au delà des discours de bienvenue, c’est avec regret que les Congolais font remarquer que Chinois, Coréens, Indiens, Turcs ont depuis longtemps devancé leurs frileux nokos… (oncles)…
Source: http://blog.lesoir.be/colette-braeckman