Jacob ZUMA
Décidément, il n’y a rien de neuf entre Pretoria et Kigali. Si elles ne sont pas sur le pied de guerre, les deux capitales n’en finissent pas pour autant de se titiller. Dernier épisode en date de leurs relations en dents de scie, l’attaque du 4 mars contre la résidence, à Johannesburg, en Afrique du Sud, du général rwandais en exil Kayumba Nyamwasa. Les choses ont failli dégénérer…
Entre Pretoria et Kigali, le ciel était à l’orage. La crise diplomatique ouverte entre les deux capitales, à la suite de l’attaque contre la résidence du général Kayumba Nyamwasa, un opposant rwandais en exil en Afrique du Sud, a connu une forte poussée d’adrénaline. A un moment donné on avait même cru au pire dans les relations diplomatiques rwando-sud-africaines. Des relations qui, depuis quelques années, n’ont jamais été bonnes.
Apparemment, on semble se diriger lentement vers une décrispation. Une sorte de détente qui rappelle toutefois qu’entre Pretoria et Kigali, le parfait amour n’est pas pour demain.
UNE PIROGUE A BALANCIER
L’Afrique du Sud, la première à déclencher les hostilités, a donné le ton. Elle a sommé trois diplomates rwandais de quitter le pays le 6 mars après une nouvelle tentative d’assassinat visant le général rwandais Kayumba Nyamwasa.
Comme il fallait s’y attendre, réponse du berger à la bergère, ou de la bergère au berger… Le régime de Paul Kagame ne s’est pas fait prier outre mesure. Aussi fait-il jouer la réciprocité, s’en prenant ainsi à six diplomates sud-africains en poste dans la capitale rwandaise.
Dans ce qui apparaît comme une pirogue à balancier, comme le note un diplomate européen en poste dans la région, chacun de ces deux pays a préféré prendre le dossier de la crise diplomatique par le bout qui lui a semblé le mieux indiqué pour ses intérêts. Et là où Kigali préfère jouer avec le feu, Pretoria refuse entretemps de s’en laisser conter.
Dans tous les cas, Pretoria n’en a pas fait mystère, s’estimant en droit de reconsidérer ses relations avec Kigali. Et il pouvait même, selon une « source diplomatique haut placée », citée par le journal Sunday Times, dimanche 9 mars, prendre des mesures encore très sévères dans les jours à venir. L’Afrique du Sud semblait même prête à ordonner la fermeture pure et simple de l’ambassade du Rwanda à Pretoria.
On n’en est pas encore là. Cependant, la même source a affirmé que les trois diplomates expulsés la semaine passée seraient en réalité des « agents rwandais » soupçonnés d’avoir organisé des attaques contre les dissidents rwandais en exil. L’un d’eux serait, selon la presse sud-africaine, « le coordinateur de la série d’attaques visant les Rwandais en exil ».
SAINTE COLERE DE ZUMA
La nouvelle tentative d’assassinat visant le général rwandais Kayumba aurait provoqué « la colère » du président sud-africain lui-même. Selon les informations de l’hebdomadaire City press, Jacob Zuma était « furieux » en apprenant cette attaque, dirigée non seulement contre un réfugié politique mais aussi « contre une propriété de l’Etat et un officier de police sud-africain ».
Cette attaque est considérée comme un crime grave par la police sud-africaine, une atteinte à la sûreté. Du côté de la diplomatie sud-africaine, on assurait avoir laissé faire cette attaque pour tendre un piège aux assaillants et remonter jusqu’aux commanditaires.
La presse sud-africaine s’était alors déchaînée, accusant le président Kagame d’aller trop loin. Mais, pour un diplomate de la région, le fait que les deux ambassadeurs soient eux restés en poste démontrait la volonté de part et d’autre de maintenir le suivi par une forme de dialogue.
Jacob Zuma devrait s’entretenir (bientôt) au téléphone avec Paul Kagame pour discuter de cette affaire.
SORTIR DE L’IMPASSE ?
La crise diplomatique entre le Rwanda et l’Afrique du Sud et les événements qui ont mené à cette situation ont été au menu des sujets abordés dans l’entrevue entre l’envoyé spécial américain pour la région des Grands lacs, Russel Feingold, et le président rwandais, le mardi 11 mars à Kigali. Sur fond d’inquiétude pour Washington.
« Nous sommes très préoccupés par la tension qui a éclaté entre les deux pays sur le plan diplomatique », avait déclaré Russel Feingold, envoyé spécial américain pour la région des Grands Lacs, à l’issue de sa rencontre avec le président rwandais.
« Nous attendons les enquêtes de toute incidence de ce type et nous voulons faire en sorte que ces deux pays résolvent tous ces problèmes parce qu’ils sont deux pays importants pour l’avenir de l’Afrique », a-t-il ajouté
Les Etats-Unis ont condamné l’attaque menée contre la résidence du général rwandais Kayumba Nyamwasa, en félicitant le gouvernement sud-africain pour l’enquête menée, non seulement sur cet incident, mais aussi sur l’assassinat en Afrique du Sud d’un opposant rwandais, Patrick Karegeya.
Autre référence, celle du discours de Paul Kagame : le président rwandais avait dit que la trahison avait des conséquences. Ce qui continue, selon William Stevens du département d’Etat américain, de provoquer « une très profonde inquiétude » côté américain.
En attendant, Pretoria hausse le ton à l’égard de Kigali. Les voix, elles, continuent à s’élever sans être pour autant suivies d’actes concrets. Le Rwanda et l’Afrique du Sud se sont-ils mis à se parler « pour sortir de l’impasse » ? La question reste posée.
[Mercel LUTETE]
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