C’est la surprise d’un débat très attendu. François Léotard, ministre français de la Défense au moment du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, s’est prononcé pour la levée du secret défense sur les archives de l’armée française à cette époque.
“Nous pouvons aller le demander à [Jean-Yves] Le Drian “, l’actuel ministre français de la Défense, a-t-il même proposé à Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères, à qui il était opposé.
Le statut d’ancien ministre de la Défense ne confère aucun pouvoir particulier à Léotard pour obtenir cette décision. Mais il donne un poids particulier à une demande qui était, jusque-là, portée par des associations et ONG, notamment de rescapés, critiques du rôle de l’armée Française au Rwanda en 1994. Il est le premier haut responsable français de l’époque à s’exprimer en ce sens.
“Je joindrais mes efforts, bien sûr aux victimes, aux enfants et parents de victimes, mais aussi à toutes les associations qui le souhaitent, pour que toutes les archives soient ouvertes, publiées, a-t-il précisé devant des journalistes au sortir du débat. Nous avons déjà les archives du conseil restreint de l’Élysée. C’est à mon avis une grande première dans l’histoire politique française. Il faut également celles du ministère de la Défense, celles des instructions qui ont été données aux unités. Je les assume, encore une fois (…) Mais je ne laisserai jamais ternir la réputation d’une force militaire qui s’est trouvée engagée toute seule […] dans une opération extrêmement délicate, qui a sauvé des dizaines de milliers de vies humaines.”
Pour le reste, les positions des deux têtes d’affiche ont été conformes aux convictions qu’on leur connaissait. Kouchner a été le procureur prudent de l’action de la France au Rwanda, évoquant “une très grande faute politique” et déclarant encore que “laisser passer le gouvernement génocidaire [au Zaïre], c’était difficile à avaler”.
Quand à Léotard, qui faisait face à un public globalement hostile dans une salle pleine, il a campé sur ses positions (“je défendrai mon pays, sur ce sujet-là comme sur d’autres”, a-t-il affirmé) même si ses diverses déclarations ont parfois semblé contradictoires. Ainsi, après avoir en préambule assumé toute la responsabilité de la controversée opération militaro-humanitaire turquoise (“l’opération turquoise, c’est moi”, a-t-il déclaré), il a affirmé avoir été “un des rares” à avoir émis des réserves sur cette opération. L’ancien ministre a en outre conseillé la lecture du “professeur [Bernard] Lugan”, historien d’extrême droite aux thèses très contestées sur le génocide (qui affirme, par exemple, que celui-ci n’a pas été planifié). |