Voici ce qu’il restait, ce 10 juillet, de l’Institut français à Kigali au Rwanda.
Les relations franco-rwandaises se sont à nouveau refroidies avant les
commémorations du 20ème anniversaire du génocide. RFI/Stéphanie Aglietti
Dans Appels sur l’actualité, un auditeur de Conakry demande pourquoi la mairie de Kigali a détruit, ce 2 juillet, l’Institut français au Rwanda ? En avril dernier, la municipalité avait déjà exproprié l’IFR, le centre culturel franco-rwandais, du terrain qu’il occupait – officiellement pour non-respect du plan d’urbanisme. Le maire de la capitale rwandaise dément cependant tout lien entre cette décision et la crise diplomatique que traversent le Rwanda et la France.
Qu’est ce qui a motivé la décision de la Ville de Kigali ?
Il faut rappeler que, depuis 1994 et la fin du génocide, les relations entre la France et le Rwanda ont toujours été compliquées. Depuis lors, Kigali accuse la France, alliée à l’époque de l’ancien régime, de « complicité » de génocide. Les relations diplomatiques entre les deux pays ont même été rompues entre 2006 et 2009, suite à la mise en cause par la justice française de proches du président rwandais Paul Kagamé dans l’attentat qui a coûté la vie, le 6 avril 1994, au président Juvénal Habyarimana, événement considéré comme l’élément déclencheur du génocide. Déjà, pendant cette période, l’Institut français au Rwanda – l’IFR – avait été contraint de fermer… Plus récemment, alors même que les relations tendaient à la normalisation, elles ont subi un nouveau coup de froid en avril dernier, à la veille de la commémoration des vingt ans du génocide. Paul Kagamé a accusé la France de « participation directe » dans les massacres de 1994. En réaction, Paris a annulé la venue de sa délégation à la commémoration.
Y a-t-il un lien avec le fait que la ville de Kigali exproprie et fasse détruire les locaux de l’IFR ?
Officiellement, pour la mairie, le terrain occupé par l’IFR en plein cœur de la capitale, dans une zone en plein boom urbanistique, n’était « pas utilisé rationnellement », conformément au plan d’urbanisme approuvé en 2008 qui impose des « ratios de densité ». Selon la municipalité, la mise en demeure de l’Institut français datait de novembre 2013. Elle a été suivie en mars 2014 d’une demande de confiscation du terrain pour non exploitation. La mairie a par la suite exigé la destruction du bâtiment, avançant des raisons de sécurité, en raison de sa non-occupation. La municipalité a toujours démenti tout lien entre cette procédure et la crise diplomatique entre la France et le Rwanda. Des sources proches du dossier côté rwandais ont tendance à dire que Paris a trainé des pieds pour trouver une solution et mettre le bâtiment aux normes dans les délais exigés. Du côté de l’ambassade de France, on dément fermement : « Cette procédure n’était pas notre choix, (…) nous avons cherché des partenaires, mais aucun candidat n’a donné suite » aux appels d’offres.
Quelle a été la réaction des autorités françaises face à cette décision ?
Les autorités françaises n’ont pas réagi officiellement et il est fort possible qu’elles ne réagissent pas, même si, deux semaines avant la démolition de l’IFR, Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, a envoyé une lettre à son homologue rwandaise, Louise Mushikiwabo, lui suggérant sans toutefois la contester de repousser la destruction du bâtiment, estimant que dans le contexte actuel, cette décision enverrait « une image négative » des relations entre les deux pays. Mais cette lettre n’a jamais reçu de réponse et le bâtiment a été détruit par la municipalité. Si les activités du centre culturel sont suspendues en l’absence d’une solution de relogement, les activités de l’école française à Kigali se poursuivent.
Quelles peuvent-être les conséquences de cette décision sur les relations diplomatiques franco-rwandaise ?
Cette destruction reste hautement symbolique, au moment où les relations entre la France et le Rwanda sont au plus mal. Mais les relations sont tellement mauvaises que, de fait, il semblerait que cette destruction du centre culturel français n’ait pas un impact significatif. Dans les relations entre la France et le Rwanda, on tend à s’approcher de « l’encéphalogramme plat », comme l’expliquait à RFI un diplomate en poste dans la région. Même l’annonce récente de l’ancien ministre de la Défense, François Léotard, qui s’est prononcé pour la déclassification des archives concernant le rôle de la France au Rwanda, n’a pas semblé émouvoir le président rwandais Paul Kagame, qui dit attendre des actes.
Source: rfi.fr |
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