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Kizito Mihigo, chanteur vedette et accusé en aveux

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Son absence le 7 avril dernier, lors des commémorations du génocide, avait intrigué : Kizito Mihigo était régulièrement invité à chanter lors des cérémonies publiques, il avait participé à la mise en musique de l’hymne national et il depuis son retour au Rwanda en 2011, il était devenu une véritable vedette, non seulement à cause de la popularité de ses chansons, mais aussi à cause de la fondation qu’il avait créée, vouée à la paix et à la réconciliation. L’annonce de son arrestation, le 15 avril dernier fit l’effet d’une bombe : avec trois autres prévenus, Kizito Mihigo, un rescapé du génocide, était accusé d’ « atteinte à la sûreté de l’Etat » de « complicité de terrorisme » et de trahison ! Les quatre hommes étaient aussi accusés d’avoir entretenu des contacts avec les rebelles hutus des FDLR et avec le parti d’opposition en exil, dirigé depuis l’Afrique du Sud par l’ancien chef d’état major de l’armée, le général Kayumba Nyamwasa, le RNC (Congres national rwandais). Plus précisément encore les quatre hommes étaient accusés d’avoir préparé des attaques à la grenade et de vouloir renverser le gouvernement !

 

L’ opinion n’était pas encore revenue de sa surprise qu’elle était secouée par un nouveau coup de théâtre : Kizito Mihigo était passé aux aveux ! Après une première interview, le chanteur avait accepté de se livrer à une confession fleuve, mise en ligne et largement diffusée à la radio : Kizito plaidait coupable, assurait qu’il aurait nourri le projet d’assassiner le président Kagame et regrettait le contenu de ses dernières chansons. Dans l’une de ses dernières compositions en effet, il avait chanté « même si le génocide m’a rendu orphelin, cela ne m’a pas fait perdre mon empathie pour les autres ». Le chanteur avait cependant nié tout lien avec un éventuel projet d’attaque à la grenade.

 

Voici quelques années, alors qu’il venait d’arriver à Bruxelles, nous avions rencontré Kizito Mihigo, un jeune homme réservé, hanté par sa passion pour la musique. Virtuose du piano, il s’était inscrit au Conservatoire de Bruxelles et cet orphelin qui avait perdu toute sa famille en 1994 assurait avec fierté que c’était le président Kagame lui-même qui, séduit par son talent, avait accepté de financer ses études de musique en Belgique. Depuis lors, Kizito Mihigo nous invitait régulièrement à chacun de ses concerts et il apparaissait plus comme un jeune prodige de la musique, choyé par l’ambassade du Rwanda, que comme un opposant potentiel.

 

Ses proches, en Belgique, s’interrogent désormais autant sur les faits qui lui sont reprochés que sur ses aveux et d’aucuns se demandent dans quelles circonstances ils ont été obtenus. Pour un opposant, ancien défenseur des droits de l’homme, c’est le contenu de sa dernière chanson qui a explique la disgrâce du jeune chanteur : « alors qu’une campagne controversée est organisée à travers le pays, sur le thème « je suis Rwandais » où les Hutus sont invités à demander pardon aux Tutsis pour avoir participé au génocide, Kizito a voulu exprimer qu’avant d’être Rwandais, Hutu ou Tutsi, il voulait avant tout être humain, ajoutant que c’est ainsi, en plaçant tous les morts sur pied d’égalité, qu’il répondait à l’appel de Dieu… »

 

Au Rwanda, un défenseur des droits de l’homme a déclaré que « de telles confessions sont contraires à la présomption d’innocence et n’auraient pas du avoir lieu en l’absence d’un avocat » .

 

Les jours à venir diront si l’arrestation et les aveux du chanteur vedette ne sont qu’un prélude…

 

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