Rwanda: Kagamé assassine ses opposants et le revendique

Juriste des droits de l’Homme

pk

Même le Mossad, que d’aucuns présentent comme “le” champion en la matière, ne clame jamais qu’il vient d’éliminer tel ou tel ennemi de l’État d’Israël. Les seuls à revendiquer des assassinats sans frontières depuis le jour où un certain George W. Bush lança sa “croisade contre l’Axe du Mal” sont… les chefs d’État américains. Au nom de la sacro-sainte guerre contre le terrorisme.

 

Coïncidence ou résultat prévisible du mimétisme de l’élève vis-à-vis d’un maître qui lui a davantage servi la carotte que le bâton? Au pays des Milles Collines, au nom de la lutte contre “les terroristes” (si le président vous le dit !), Paul Kagamé a choisi de revendiquer les assassinats politiques commis et à commettre par ses services secrets, y compris à l’extérieur du Rwanda. Quitte à se faire tancer par Washington, qui semble s’offusquer de ce que l’ancien officier qui lui mangeait dans la main oublie qu’il existe, dans la relation amicale de type asymétrique qui les lie, une ligne rouge à ne plus franchir par le sang.

 

Par l’épée

 

C’est qu’il a assez coulé, le sang des opposants à celui que ses contempteurs surnomment – en jouant phonétiquement du patronyme Kagamé – “Croix-Gammée”. L’assassinat de trop, selon Washington, concerne l’ancien chef des services de renseignements rwandais, Patrick Karegeya, retrouvé mort – par strangulation – le 1er janvier dernier dans le luxueux hôtel Michelangelo de Johannesburg. Le dissident avait élu domicile dans la métropole sud-africaine après s’être opposé à la deuxième guerre du Congo lancée par celui à qui il reprochait, entre autres griefs, un autoritarisme froid et implacable.

 

Alors que les conjectures allaient bon train, que l’enquête policière sud-africaine patinait sur fond d’accusations portées par les opposants au régime et par la famille de la victime contre le pouvoir suprême rwandais, nul autre que Paul Kagamé profite d’un déjeuner de prières organisé à Kigali neuf jours après le crime pour évoquer l’affaire en de termes bien choisis: “la trahison a ses conséquences (…). Quiconque trahit notre cause ou souhaite du mal à notre peuple deviendra une victime. Reste seulement à savoir comment il deviendra une victime…”. Voilà qui a le mérite d’être clair.

 

A-t-il voulu imiter Barack Obama, qui préfère à la balance de la justice américaine les drones traquant les chefs terroristes présumés dans les zones inhospitalières du Pakistan et du Yémen? Il faut croire que l’ancien stagiaire de Fort Leavenworth au Kansas apprend vite les mœurs de l’Amérique post-11 Septembre: pourquoi ennuyer les juges lorsqu’on peut assassiner ses ennemis où qu’ils se terrent, bien fait, vite fait?

 

Couper les vivres… Et après?

 

Mais ce n’est pas parce que “le maître” lui, le fait, qu’il faut l’imiter de façon aussi arrogante, ai-je envie de dire à Paul Kagamé. Car fabriquer des vraies-fausses rébellions dans les Kivu en vue de contrôler en sous-main les ressources minières de cette région du Congo voisin est une chose; dire à la face du monde que je peux supprimer qui je veux quand je veux pour protéger mon fauteuil, en est une autre. Surtout lorsqu’on dirige un pays dont près des deux tiers du budget national proviennent de l’aide extérieure.

 

Au lendemain de cette sortie qui a dû prendre de court son ami et conseiller l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, Kagamé a eu droit à cette déclaration de la porte-parole du département d’Etat, Jen Psaki: “Nous sommes troublés par une succession de meurtres d’exilés rwandais importants, meurtres qui semblent avoir une motivation politique. Les déclarations récentes du président Kagame à propos “des conséquences pour ceux qui trahiraient le Rwanda”, nous inquiètent au plus haut point”.

 

Dans la foulée, le parti travailliste britannique a enjoint le gouvernement Cameron à reconsidérer l’aide de la Grande-Bretagne au Rwanda, une aide qui se situerait à 110 millions d’euros l’an et qui avait déjà fait l’objet de restrictions en 2012 après que plusieurs rapports de l’Onu eurent épinglé le soutien de Kigali aux rebelles congolais du M23, mouvement composé de soldats tutsi inféodés au Rwanda.

 

Intouchable

 

La Grande-Bretagne où l’assassinat de Karegeya rappelle un fâcheux précédent. En 2011, le MI 5 par le truchement de Scotland Yard avait prévenu trois ressortissants rwandais en exil dans le royaume, dont l’ancien militant des droits de l’Homme René Mugenzi, que le régime de Kagamé menaçait directement leurs vies, évoquant “des moyens aussi bien conventionnels que non conventionnels”, assurant au passage que les services de sécurité ne pouvaient garantir aux intéressés une protection optimale. Sans que cette situation pour le moins insolite ne donne lieu à la moindre protestation officielle de Londres vis-à-vis de Kigali. On s’étonne, après cela, que nul ne sache répondre à la question: “Qu’est-ce qui, diable, pourrait bien arrêter Paul Kagamé?”

 

Les raisons de l’indulgence dont profite Kagamé sont multiples, de l’amitié qu’il entretient avec des hommes d’influence comme Tony Blair et Warren Buffet au chantage politique dont il use et abuse auprès de la communauté internationale, coupable il est vrai, d’avoir assisté impuissante au génocide rwandais de 1994. Mais deux décennies après ce crime qu’il a su exploiter jusqu’à l’indécence, celui qui menace de continuer à liquider physiquement ceux qui lui résistent ferait bien de se souvenir de ceux qui l’ont précédé dans le cœur des grands de ce monde: le Shah d’Iran, Mobutu Sese Seko, Saddam Hussein, pour ne citer que ceux-là. M’étonnerait que l’ami Blair lui rappelle cela.

About Chris Kamo

Great Lakes Post is a news aggregation website run by Chris Kamo and the site consists of links to stories for from all over the world about life and current events .

View all posts by Chris Kamo