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RWANDA: LE PRÉSIDENT KAGAME DÉCRÈTE LA MISE À MORT DE SES OPPOSANTS

Par Emmanuel Hakizimana, Ph.D.-Montréa et Gallican Gasana-Toronto – 20 janvier 2014

« Vous ne pouvez pas trahir le Rwanda et vous en tirer comme ça. Trahir votre pays entraîne des conséquences. C’est une question de temps, quiconque a trahi la nation ne pourra échapper aux conséquences». C’est ainsi que s’est exprimé le président du Rwanda Paul Kagame lors d’un discours le 12 janvier 2014, soit deux semaines après l’assassinat par strangulation en Afrique du Sud d’un opposant rwandais et ancien chef du service des renseignements extérieurs, M. Patrick Karegeya. Les déclarations du président Kagame suivaient de près celles, dans le même sens, de la ministre des Affaires étrangères, du ministre de la Défense et du premier ministre rwandais.

 

Le régime de Kigali est depuis longtemps reconnu pour la persécution de ses opposants et la violation massive des droits de la personne à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda. Au niveau de la violence faite aux opposants, les plus récents cas sont notamment la décapitation au Rwanda de M. Kagwa Rwisereka, ancien vice-président du parti vert, l’assassinat en Ouganda du journaliste Charles Ingabire, la tentative d’assassinat en Afrique du Sud de M. Kayumba Nyamwasa, l’enlèvement en Ouganda d’un ancien garde du corps de Kagame M. Joël Mutabazi ainsi que de M. Ntabana Aimé, et l’incarcération de la presque totalité des leaders de l’opposition installés au Rwanda. Concernant d’autres graves violations des droits de la personne, le régime de Kigali est accusé par les grandes organisations de défense des droits de la personne et par les Nations Unies d’avoir notamment commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes de génocide en République Démocratique du Congo.

 

L’assassinat de Patrick Karegeya s’accompagne cependant d’éléments nouveaux qui en font un cas à part : l’autocongratulation des dirigeants rwandais et l’incitation publique par le président Kagame de tuer les opposants. De fait, en plus des déclarations ci-haut mentionnées, le président rwandais a déploré dans son discours l’attitude de certains officiels qui tentent de nier leur responsabilité dans l’assassinat des opposants. Il leur a dit «Ce qui m’étonne justement c’est que vous ne le faites pas». Autrement dit, il leur reproche de ne pas procéder eux aussi aux assassinats des opposants.

 

Réactions de la communauté internationale et de l’opposition rwandaise

 

Plusieurs observateurs estiment qu’en passant à l’étape d’incitation publique au meurtre des opposants, le régime de Kigali vient de choisir officiellement la voie du terrorisme d’État dans tous les pays où se trouvent des exilés rwandais pour résoudre les problèmes politiques et que cette nouvelle situation devrait exiger des repositionnements de différents acteurs.

 

Cependant, dans la communauté internationale, à part l’Afrique du Sud qui a promis qu’aucune pierre ne sera laissée non retournée pour traduire les assassins de Karegeya en justice, seuls les États-Unis ont jusqu’à présent officiellement réagi. Ce vendredi le 17 janvier, la porte parole du département d’Etat, Mme Jen Psaki, a déclaré : « Nous sommes troublés par une succession de meurtres d’exilés rwandais importants, meurtres qui semblent avoir une motivation politique. Les déclarations récentes du président Kagame à propos, “des conséquences pour ceux qui trahiraient le Rwanda”, nous inquiètent au plus haut point».

 

Il est à espérer que le silence des autres pays tel que le Canada ne signifie pas qu’ils vont accepter d’être transformés en « terrain de chasse » lorsque des agents du gouvernement rwandais vont commencer à exécuter les ordres de leur président et assassiner les opposants sur leur territoire. De vigoureuses mesures préventives à la hauteur d’une telle menace pour la sécurité publique sont d’autant plus nécessaires que le président Kagame, comme il s’en vante lui-même, est reconnu pour toujours mettre ses plans criminels en exécution.

 

L’opposition rwandaise a, quant à elle, directement appelé la population au calme pour ne pas basculer dans la violence. La plate forme des organisations politiques Amahoro Congrès du Peuple, FDU-Inkingi et Rwanda National Congress auquel appartenait M. Karegeya, a même appelé le président Kagame et son gouvernement à démissionner, estimant qu’ils ont perdu toute légitimité de gouverner. Elle a également appelé la communauté internationale à invoquer « la responsabilité de protéger », nouvelle norme de la sécurité internationale et des droits de l’homme, pour s’acquitter de sa responsabilité de prévenir et de mettre fin aux génocides, crimes de guerre, nettoyages ethniques et crimes contre l’humanité.

 

Quel avenir pour le Rwanda ?

 

La radicalisation du régime rwandais tire son origine de la complaisance de la communauté internationale. Pour faire oublier leur inaction pendant le génocide de 1994, les puissances occidentales l’ont inconditionnellement soutenu. Elles ont à la fois fait du Rwanda le pays africain le plus assisté en termes d’aide par habitant et érigé le régime de Kigali en abuseur des droits de la personne le plus toléré au monde.

 

Les populations de la région des Grands Lacs africains ont, quant à elles, payé un lourd tribut de cette stratégie. Huit millions de congolais ont péri dans des guerres initiées par le régime de Kigali ; des centaines de milliers de réfugiés rwandais ont été abattu comme du gibier dans les forêts congolaises par les troupes de Kagame; des opposants rwandais sont quotidiennement tués dans des conditions atroces. Pour faire accepter au monde l’extermination des ces derniers, le régime de Kigali leur colle l’étiquette de terroristes. De fait, en réaction aux déclarations ci-haut mentionnées de la porte parole du département d’État américain, le représentant adjoint du Rwanda auprès des Nations Unies, M. Olivier Nduhungirehe, a déclaré que « les États-Unis devraient s’occuper d’al-Qaïda et laisser les Rwandais s’inquiéter du terrorisme auquel ils font face ». Bref, le Rwanda est actuellement comme un volcan au bord d’une éruption. Une autre tragédie semble de moins en moins évitable.

 

La seule lueur au tableau est le dépassement des clivages ethniques dans l’opposition rwandaise. Hutu et Tutsi travaillent de concert et sont prêts pour un changement pacifique de régime. Mais la communauté internationale est-elle prête à les accompagner et à contraindre rapidement le régime de Kigali à renoncer à la violence comme mode de résolution des problèmes politiques? La réponse à cette question déterminera de l’avenir du Rwanda. Il est grand temps que la communauté internationale exerce des pressions suffisantes sur le gouvernement rwandais pour qu’il accepte l’ouverture de l’espace politique et coopère à la mise en place d’un dialogue inter-rwandais.

 

Source: lautjournal.info

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