L’opposante rwandaise Diane Rwigara, dont le procès pour incitation à l’insurrection s’ouvre mercredi à Kigali, estime dans un entretien à l’AFP que son pays s’apparente à “une prison” dont le gardien est le parti au pouvoir du président Paul Kagame.
Mme Rwigara, 37 ans, a été libérée sous caution début octobre après avoir passé plus d’un an en détention provisoire. Elle est accusée de falsification de documents pour son dossier de candidature à la présidentielle d’août 2017, à laquelle elle n’a pu participer, et d’incitation à l’insurrection, des charges passibles de 7 et 15 ans de prison respectivement.
“Je sors tout juste de prison, mais mon pays me donne l’impression d’être comme une prison. Et le gardien de cette prison n’est autre que le parti au pouvoir, le FPR (Front patriotique rwandais) qui nous dicte comment vivre, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut dire”, a déclaré l’opposante dans cet entretien accordé à l’AFP à son domicile de Kigali.
“Je n’ai pas été surprise par mon arrestation. Si vous osez critiquer le gouvernement, voilà ce qui arrive: vous vous faites arrêter, emprisonner ou vous perdez la vie. Je m’attendais à une forme de riposte.”
“Le plus difficile pour moi, ça a été de voir ma mère et ma soeur dans cette situation”, a-t-elle poursuivi.
Les trois femmes avaient été arrêtée en septembre 2017. La mère, Adeline Rwigara, également libérée sous caution début octobre, doit comparaître mercredi au côté de Diane, notamment pour incitation à l’insurrection. Les poursuites contre sa soeur Anne ont été abandonnées en octobre 2017.
“Ma famille n’avait rien à voir avec mon engagement politique, donc ça a été un choc (…) Les gens deviennent coupables par association, dans le sens où ma famille devait être punie pour mes actions. C’est la méthode que le gouvernement utilise contre ses détracteurs”, accuse Diane Rwigara.
Le rejet de la candidature de Mme Rwigara par la Commission électorale avait été critiquée par des gouvernements occidentaux et des groupes de défense des droits de l’Homme.
– Retour à la case prison ? –
M. Kagame, crédité de l’important développement d’un pays exsangue au sortir du génocide de 1994, est régulièrement accusé de bafouer la liberté d’expression et de museler toute opposition.
Il a été réélu le 4 août 2017 pour un nouveau mandat de sept ans avec près de 99% des voix. Une réforme de la Constitution adoptée par référendum fin 2015 lui permet de potentiellement diriger le pays jusqu’en 2034.
Si elle a voulu se présenter contre M. Kagame en 2017, Diane Rwigara n’a pas toujours été dans l’opposition.
Le père de Diane, Assinapol Rwigara, un important entrepreneur rwandais ayant fait fortune dans l’industrie et l’immobilier, avait financé dans les années 1990 le FPR de M. Kagame.
En juillet 1994, le FPR allait renverser le pouvoir extrémiste hutu, mettant fin au génocide qui a fait 800.000 morts selon l’ONU, essentiellement parmi la minorité tutsi.
Diane Rwigara a pris ses distances avec le FPR après le décès de son père en février 2015, mort dans un accident de la route, selon la police. Elle avait contesté cette version et dénoncé un “assassinat”.
En dépit des possibles conséquences, Diane Rwigara se dit déterminée à poursuivre son combat politique.
“Ce qui manque dans ce pays, c’est une forme de responsabilité politique. Le parti au pouvoir fait ce qu’il fait car il n’y a aucune conséquence à ces actions (…) Je ne suis pas dans ce combat pour la gloire (mais) les seuls qui peuvent apporter du changement dans ce pays, c’est nous, les Rwandais. Personne ne va le faire à notre place.”
Peu avant la remise en liberté de Diane et Adeline Rwigara, le régime avait accordé courant septembre une libération anticipée à Victoire Ingabire, une des principales figures de l’opposition rwandaise qui purgeait une peine de 15 ans de prison pour “conspiration contre les autorités” et “minimisation du génocide de 1994”.
Mme Ingabire avait été arrêtée en 2010 peu de temps après son retour d’exil au Rwanda alors qu’elle voulait se présenter à l’élection présidentielle la même année.
Interrogée sur son procès, Diane Rwigara clame son “innocence”: “les charges sont fabriquées parce que je me suis opposée au parti dirigeant”, assure-t-elle.
“J’espère ne pas retourner en prison mais s’il faut que j’y retourne, j’y retournerai.”