GLPOST

un beau matin à Kigali, l’on vit s’avancer en rouge et blanc Josiane Mwiseneza


Jojo, la fille par qui la question fut posée
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Manirakiza Désiré, je te convoque!

Viens voir: le débat sur le capital social est de retour. Et il est entré par la porte de Miss Rwanda.

Toi qui étudie la beauté, les sports, les expressions du quotidien et leur signification sociologique, il y a lieu de passer ton deuxième doctorat.

Ecoute: un beau matin à Kigali, l’on vit s’avancer en rouge et blanc une jeune damoiselle, somme toute banale, venue à pieds, mais les yeux brillants. Elle affirmait être là pour récupérer la couronne de Miss. Ni plus, ni moins.
On ria d’abord, d’enchantement: la garce. 
On applaudit ensuite le courage de “cette brave fille de Rubavu”. Certains traitèrent son arrivée (https://www.youtube.com/watch?v=cNxotSod7JI) comme un fait divers, un de plus. Puis, les heures, les jours passant, l’on se rendit compte que la Josiane Mwiseneza n’était pas venue seule. Du tout: elle avait derrière elle une foule de marcheurs. Des milliers, des dizaines de milliers qui, comme elle, s’écorchent les orteils et les espoirs à lutter pour leurs petits rêves.

Ainsi, l’on commença à la scruter. L’on devina, par les gros plans des photographes-chenapans que les paumes de ses mains étaient moins douces que celles des concurrentes: elle nous conta qu’elle savait traire. Lah! 
Ceux qui se moquaient du courage de “cette paysanne, au demeurant charmante, mais qui ne remplit pas toutes les conditions physiques d’une Miss”, ceux qui toisaient Jojo virent alors un miracle: les réseaux sociaux la consacrèrent avant l’heure (https://web.facebook.com/…/a.896461503732…/2239391859439236/). Nettement. Sans doute aucun. Et la tendance ne se renversa jamais.

Qu’importe ses cheveux lambda, son look moins raffiné que les autres, ses ongles quelconques: on adorait sa manière de s’asseoir, les jambes serrées alors que les concurrentes les croisaient, et cet air qu’elle avait de “nous”. “Nous” les passants, les marcheurs à pied, les inconnus qui surgissons de partout, nous du Rwanda, du Burundi aussi, ceux qui lisent/comprennent le kinywarwanda/kirundi, “nous” des diasporas, nous qui trimons, le “nous” de ceux qui ne sont riches souvent que de leurs rêves, “nous” avec ce surnom terrible: le peuple (?).

Du coup, la question au cœur de cette finale de #MissRwanda2019 devenait au fil des jours plus simple, plus claire, urgente, celle sans cesse reprise année après année: de qui “une Miss” tient-elle crédit? De l’organisation de la compétition et son jury et ses canons sophistiqués de la beauté, ou du peuple qu’elle représente et ses préférences et ses goûts “peu raffinés”?

Cher Manirakiza Désiré, tu nous avais averti: “Les critères de choix [d’une Miss] renvoient à une autre société que la nôtre” (https://www.yaga-burundi.com/…/miss-burundi-criteres-choix…/).

Ce soir, c’est l’occasion de relire Bourdieu.

 

Roland Rugero

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